Hugues de Fraisans

Hugues de Fraisans, Abbé de Cluny (1157 -1161)

En 909, Guillaume le Pieux, duc d’Aquitaine et Comte de Mâcon, désireux d’assurer le salut de son âme, décide de consacrer sa terre de Cluny à la fondation d’un monastère. Il en fait don aux apôtres Pierre et Paul, ce qui explique que, dès l’origine, le monastère ne dépendra pas de l’évêché local (Mâcon), mais directement de Rome.

L’abbaye sera fondée par six moines venus de Baume les Messieurs et six venus de Gigny, deux abbayes du Comté de Bourgogne.

Deux siècles plus tard, l’ordre de Cluny comptera 1200 dépendances et 10 000 moines.

L’abbé est élu par ses pairs et dispose d’une puissance énorme car l’ordre est très centralisé comme toute la société féodale de l’époque. Plusieurs clunisiens seront d’ailleurs élus pape.

En deux siècles et demi (909 - 1156) Cluny ne comptera que 7 abbés, ce qui montre la force et la stabilité de l’ordre. Ils seront issus pour la plupart de grandes familles féodales.

En 1156, meurt Pierre de Monboisier, plus connu sous le nom de Pierre le Vénérable, abbé de Cluny depuis 1122 !

La succession n’est pas facile, les moines élisent Robert le Gros, qui serait apparenté au Comte de Flandre, que le pape Adrien IV refusera de reconnaître. Robert mourra peu après, de sa belle mort ou empoisonné, on ne sait.

Lui succédera, en 1157, Hugues II de Fraisans, alors prieur claustral de Cluny, qui avait donc la confiance de Pierre le Vénérable et qui était l’ami de Pierre de la Celle, grand humaniste et abbé de St Rémi de Reims.

Quelle promotion pour le descendant d’une famille de petite noblesse comtoise !
Hugues n’allait pas tarder à connaître des difficultés considérables.

Depuis 1156, Frédéric Barberousse était empereur du St Empire Romain Germanique.

En juin, il épousera Béatrice, fille de Renaud III, comte de Bourgogne.

Sous Pierre le Vénérable, Cluny était sous influence française, le roi de France étant Louis VII.

En tant que comtois, Hugues penchera pour Frédéric Barberousse.
Allié avec les normands de Sicile, Frédéric se fâchera avec le pape Adrien IV qui mourra en 1159. Les cardinaux éliront à sa place le cardinal Bandinelli sous le nom d’Alexandre III. C’est ce même Bandinelli, alors légat du pape qui s’était opposé aux prétentions italiennes de Barberousse en Italie à la diète impériale de Besançon, deux ans plus tôt.

En représailles, une dizaine de cardinaux, dévoués à l’empereur, élirent pape un des leurs sous le nom de Victor IV. Le schisme divisera l’Église entre alexandriens (France, Angleterre, Castille, Aragon) et Victorans (Allemagne).

Hugues de Fraisans, comtois et sujet d’empire, se ralliera à Victor IV, candidat de Barberousse, comme le feront d’ailleurs les nobles du Comté de Bourgogne et l’archevêque de Besançon Humbert de Scey.

Alexandre III se réfugiera en France, et en 1160, Frédéric et son pape seront excommuniés.

Plusieurs évêques, dont Henri, évêque de Beauvais, frère du roi Louis VII appuyés par le Roi de France, contestent la décision d’Hugues de Fraisans. Sous leur pression, les religieux de Cluny déposeront leur supérieur et éliront à sa place Etienne de Boulogne, ancien moine de Cluny.

Hugues de Fraisans qui obtiendra le pardon d’Alexandre III se retirera au prieuré de Vaux sur Poligny où il mourra en 1166.

Par fidélité à son souverain, il avait fait le mauvais choix.

Dès le départ, les cisterciens avaient fait allégeance à Alexandre. Cluny, qui avait connu son apogée à l’époque féodale, sera étroitement contrôlée par la papauté. L’ordre connaîtra un long et inexorable déclin jusqu’à la Révolution qui verra la destruction de l’Abbaye.

Pierre Milleret
Bibliographie
Marcel Pacaut L’ordre de Cluny (Fayard)